Lettre - Au Bal de l'Ogre

 

"Chers vous.

 

 

 

Il me prend l'envie commune de vous adresser quelques mots. Ceux-ci vont vous parler de moi, bien sûr (dure loi que celle de la lettre !). Mais ce sera pour mieux parler de vous.

 

 

 

Je voulais vous décrire, chers vous,ce petit quelque chose qui a éclos en moi lors de ces jours passés en votre compagnie. Enfin... Décrire, décrire, c'est vite écrit : mon petit quelque chose n'a pas de contours ni de consistance.

 

Il s'est pointé un soir, un peu par surprise, alors que nous étions tous les quatre sur une scène. Ou alors il était déjà là depuis un moment mais je n'avais pas encore fait attention à lui.

 

Bref. Voilà que d'un coup, il a chauffé ma poitrine. Il aurait pu être une bille lumineuse, aussi puissante qu'un Kaméhaméha et aussi fragile en même temps qu'une bulle de savon offerte au vent. Il aurait aussi pu être un elixir délicieux circulant librement, gaiement, franchement, dans le circuit tortueux de mes vaisseaux sanguins. Et y distiller ses pouvoirs. Il aurait tout autant pu être une serrure dont la clé retrouvée aurait ordonné aux pêne, gâche, et porte de bois lourd de jouer de leurs tours pour aérer une pièce trop souvent fermée.

 

 

 

Mais mon petit quelque chose n'a toujours pas de consistance. Toujours pas de contours. Aucune couleur et aucune odeur. Rien qui puisse en faire autre chose qu'un « quelque chose ». Rien, sauf son nom. Son nom ? J'ai laissé ce petit quelque chose me le glisser à l'oreille. Au début je ne l'ai même pas cru. On aurait dit un nom d'ogre, de mangeur d'enfantillages, de créateur de monstruosités... Mais il me l'a répété, alors j'ai bien fini par céder.

 

Son nom ?

 

« Fierté »

 

 

 

Et ce petit quelque chose, chers vous,il m'est venu de vous. Si mes souvenirs sont bons (et j'ai une très bonne mémoire, ne sourcillez pas ! ), mon quelque chose est parti en fils d'argent de vos notes rondes et belles. De vos cordes et soufflets. De vos sourires et regards malicieux. De vos personnes. Il a chahuté dans la joyeuse pataugeoire de nos voix mêlées, a sauté de chaise en chaise, de violon en accordéon, de violoncelle en flûte et hop ! Il est entré et s'est logé là, dans ma poitrine.

 

 

 

« Fierté », il m'a dit.

 

Finalement je l'ai cru, et ça m'a fait du bien.

 

 

 

Ce soir-là, sur une scène, quelque part, il m'a bien semblé qu'il y avait une foule de gens devant nous. Une foule d'oreilles cherchant à attraper nos bavardages. Une foule d'iris observant nos courses. Une foule de danseurs essayant d'apprivoiser notre musique. Ou le contraire.

 

Mais ce que j'ai vu surtout, c'est vous. Et mon Coeur a souri, sous les bourrades amicales de sa pote Fierté.

 

 

 

Chers vous.

 

Il m'a pris l'envie de vous parler d'un petit quelque chose, et de vous adresser mes mots. Il m'en reste un à vous offrir, introduit par une ribambelle d'explications sur celle que je suis. Une farandole d'excuses pour les larmes trop fréquentes qui débordent de mes yeux; pour les agacements étranges qui changent parfois ma tête de suricate en vieille pomme ridée; pour ces rires trop forts et ces idées obtuses qui font de moi un être humain sûrement trop typique pour être aimable tout le temps. Pour...

 

 

 

Un seul mot, pour vous signifier à quel point je suis fière et flattée d'avoir eu droit à votre confiance, votre tendresse et votre amitié, malgré tout, malgré « moi ».

 

Un seul mot...

 

 

 

Merci.

 

 

 

Bien à vous."

 

Avril 2014

 

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